jueves, 14 de noviembre de 2013

LES CANAILLES – Un mariage orthopédique (Critique par Bruno Fougniès)



Mis en ligne le 12 octobre 2013 
 


Un mariage en 1947.

Créée à partir d'improvisations scéniques orchestrées par Lucas Olmedo (Compagnie Lluvia de Cenizas Théâtre de Mendoza – Argentine), cette pièce nous plonge dans l'atmosphère de la guerre froide américano-soviétique. Ce contexte est à la fois le décor sociopolitique mais aussi le nœud des relations humaines de ce rituel familial : un mariage sur fond d'espionnage, de double identité, de suspicions. Même pas un mariage mais la répétition d'un mariage. 

Une construction dramatique en emboîtements et chausse-trappes, mélange de film noirs et d'incrustations philosophiques, faite pour dérouter le spectateur mais surtout faite pour aiguiser sa propre vision, son jugement critique et sa lucidité. 

Une vérité devient la seconde d'après une apparence révélant une autre vérité. On navigue comme sur une mer d'incertitude en sautant de bloc de glace en bloc de glace qui, tour à tour, fondent et se transforment en illusions. Et pourtant, à chaque nouveau saut, il y a besoin de croire en la solidité du prochain bloc. Question de survie.

Et pourtant, tout semble faire sens. Il ne s'agit pas pour Lucas Olmedo de simplement s'amuser à semer des fausses pistes ou de faux indices, mais de tenter d'exprimer dans le même temps la défiance nécessaire vis-à-vis des vérités établies et la nécessité de croire en quelque chose, fut-ce une pure fiction : la réalité n'est qu'une convention acceptée par tous.

Le spectacle est un bombardement de scènes qui s'enchaînent dans un faux désordre, une anarchie architecturée qui dévoile au fur et à mesure des pans de réalités différentes.

On en sort rafraichi, vaguement incertain de ses propres jugements, mais plein d'une vie qui veut clamer haut et fort que la réalité n'est qu'une faible partie de l'existence : une sorte de support, de matière, que l'imaginaire a le loisir de déformer et de réinventer à sa guise.
Bravo à toute la troupe. 


Bruno Fougniès


Les Canailles
Dramaturgie et mise en scène Lucas Olmedo
Assistante à la mise en scène Berta Arquer Vera
Son et vidéo Clément Braive,
Traduction Caroline Gleyze
Avec
Astrid Albiso, Caroline Gleyze, Chap Rodriguez Rosell, Clément Braive, Diana Sakalauskaité, Dominique Dani, Frédéric Carello, Gwenaël Chevalier, Isabelle Gozard, Jacinthe Capello, Jessica Rivière, Florent Mousset, Florian Montas, Olalla Escribano, Richard Acero Viera, Jessica Monceau.